Ce n'est pas tous les jours que Fanchon donne des Jules en exemple, mais celui qui fut évêque de Toulouse pendant près de 30 ans, est particulièrement remarquable. Dès 1933, il dénonçait la menace du nazisme contre les Juifs. En 1942, il écrivait une lettre à toutes les paroisses de son diocèse. Extraits :
Mes très chers Frères,
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits, tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.
Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ? Pourquoi sommes-nous des vaincus ? Seigneur ayez pitié de nous. Notre-Dame, priez pour la France. Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes.
Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. France, patrie bien aimée France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine. France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.
Plus tard, au cours de ce fameux et rude hiver 1954 où l'abbé Pierre lança son combat spectaculaire pour les sans logement, l'évêque Jules-Guéraud Saliège - toujours à Toulouse, prêchait à nouveau :
On oublie, on ne voit pas, on ne veut pas voir qu'il y a des gens mal logés, des gens mal nourris, des salaires insuffisants, qu'il y a des pays tout entiers qui souffrent de la faim. Ce n'est pas chrétien de penser, à plus forte raison de dire : c'est leur faute...
Longtemps, un chrétien était reconnu à ce signe qu'il aimait et secourait le pauvre, en qui il voyait Jésus-Christ, le pauvre par excellence, lequel n'avait pas une pierre où reposer sa tête.
Un régime économique qui fabrique des pauvres en série, des sans-toit en série, des ayant-faim en série, tout chrétien se doit de le combattre et de le remplacer. Là encore, il ne faut pas se faire illusion: le chrétien qui veut faire son devoir est contredit par d'autres chrétiens qui ne comprennent pas, qui n'acceptent pas la doctrine de l'Évangile et des Papes, et par beaucoup d'athées conservateurs qui sont pour l'ordre établi.
Bien sûr la situation des sans-papiers en 2007 n'est pas celle des Juifs il y a 65 ans, pendant des années si noires ; mais les consciences sont heurtées de voir la police occupée à poursuivre des familles, juste pour faire "du chiffre", pour satisfaire la bêtise de certains, pour l'apparence.
Quant à la situation économique, avec une pauvreté croissante, comment ne pas saluer l'interpellation d'un responsable religieux ? il ne se contente pas de la compassion, il n'appelle pas à la charité : il montre la responsabilité politique des citoyens catholiques. (les hommes, tout au moins, puisqu'il s'adresse à ses "Frères"... mais les femmes, ses Sœurs potentielles, n'étaient pas citoyennes...)
On n'entend pas trop fort ce genre de voix, 65 ans plus tard au côté de RESF ; ni 53 ans plus tard avec le DAL, par exemple.
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