dimanche 8 mai 2016

les vraies peurs pour l'avenir

Quelle plus grande peur veut nous donner L'Obs de cette semaine ? À sa une, et en une dizaine de pages, un dossier sur l'Ubu coréen (du Nord) nous propose des jeux de la guerre et du hasard : ceux auxquels peut se livrer un dictateur imprévisible - et question dictateurs, nous connaissons d'expérience leurs ravages actuels et passés.
Ce Kim-Jung Ubu, pitoyable fils et petit-fils d'autres Kim-Jung, risque-t-il de faire pire que ses prédécesseurs et modèles ? espérons que nous n'en saurons jamais rien. (Voilà plus d'un siècle que Jarry avait conçu l'arobase prémonitoire)

Comment résister à ce risque (éventuellement) planétaire ? à cette peur qu'on nous assène ?

Le plus terrible est à rechercher tout à la fin du magazine, dans sa meilleure page : l'avant-dernière, reléguée à la fin du supplément Télé-Obs. Celle par laquelle il faut commencer chaque semaine.

C'est de nous que Jean-Claude Guillebaud peut nous inviter à avoir peur : où sera notre capacité de résistance à la peur, notre résistance à la folie du monde ? De quoi sommes-nous capables, nous femmes et hommes, devant ces éventuels dangers ?

Guillebaud, cultivé et philosophe, rappelle Camus : "Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude. Une société qui supporte d'être distraite par une presse déshonorée et par un millier d'amuseurs cyniques, décorés du nom d'artistes, court à l'esclavage malgré les protestations de ceux-là mêmes qui contribuent à sa dégradation."
Et plus loin encore l'Américain Dos Passos en 1917, en pleine Grande guerre : "Que nous étions stupides avant la guerre : la salive que nous dépensions à prôner des révoltes de rien du tout ; comme nous pouffions de petites plaisanteries sur la religion et le gouvernement ! Et pendant ce temps, dans la cupidité, l'infinie bêtise des hommes, ceci se préparait..."
John DOS PASSOS       -       Albert CAMUS     -   Jean-Claude GUILLEBAUD
 Qui, à part Guillebaud, avait pensé à comparer d'autres époques culturelles ? Avions-nous remarqué à la fin des années 50 une quelconque gaudriole courant à travers nos radios, nos spectacles sur scène ? car Albert Camus est mort à l'aube de 1960. Bien avant les muppet shows, nuls et autres guignols de l'info. On n'avait pas souvenance que les médias rigolaient beaucoup à l'époque - et pourtant Camus a pu écrire ces phrases, qu'on croirait d'aujourd'hui ! Que ne dirait-il maintenant !

C'est Jean-Claude Guillebaud qui relaie ces cris d'alarme. Non pas pour juste dénoncer une "rigolade délibérée".  Car on se souvient du "Parti d'en rire" créé par Pierre Dac (avec Francis Blanche) après qu'il avait agi pour la Résistance : rire n'empêche pas de réfléchir.

C'est le service public qui est profondément atteint : là, à France-Inter, où une radio populaire savait attirer un public, le distraire en l'informant, en l'éduquant, que subissons-nous ? "La dégoulinade permanente  de galéjades bâclées, la surenchère de rigolos sans talent finissent par constituer un bruit de fond qui tire vers le bas tout ce qui passe à l'antenne."
On est loin de l'humour intelligent de Desproges, du "Tribunal des flagrants délires"...

Si fanchon comme d'autres s'exaspère à ces gloussements, le plus grave est bien ce mouvement vers le bas qui tue toute réflexion, sans aucune hiérarchie.
D'où ces pétitions quotidiennes pour tout et n'importe quoi ; ces Nuits debout qui prétendent réinventer ce que faisaient à la fois d'innombrables associations (en voie de disparition) et l'éducation populaire d'intérêt général, soutenue par l'impôt de tous les contribuables.
Pendant que des millions de migrants souffrent dans le monde, pendant que la planète se détériore, que l'Union européenne coule... et qu'un minable Ubu compte ses missiles.

Et les femmes dans tout ça ? la plus grande tristesse de fanchon la parité, c'est que des femmes usent leur talent à glousser elles aussi, alors qu'elles ont une porte grande ouverte : ce vide sidéral leur serait une occasion de venir faire vivre autrement la politique. Même un parti peu enclin à cette nécessité commence à réfléchir...

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