Hier, on a vu se concrétiser une situation inédite.
D'abord, la matinée à Villepinte réunissait tous les acteurs de la campagne présidentielle de Ségolène - militants socialistes, citoyens, radicaux de gauche, mais aussi adhérents de Désirs d'avenir. Ils-et-elles (beaucoup d'elles, plus que d'ordinaire) venaient de toute la France, pour entendre la synthèse des milliers de débats participatifs qu'ils avaient organisés, dans des villages aussi bien que dans des petites et grandes villes.
Certains n'avaient jamais participé à ce genre de meeting, mais toute la matinée a été très intense. Elle s'est conclue avec l'intervention de François Hollande, premier secrétaire du PS. Et les 8 000 ont craqué ! la gauche, la vraie, et l'humour en plus.... Ce n'est pas à gauche qu'on a besoin de "chauffeurs de salle" !
L'après-midi, la halle était agrandie : près de 20 000 participants étaient venus écouter Ségolène, celle qu'on voyait flancher, celle dont on sentait le doute grandir, celle qu'on annonçait bientôt en chute libre dans les sondages. Un peu comme l'équilibriste sur son fil et qui pourrait bien tomber, comme ça, en direct. (Dans la salle mythique à la Mutualité, cette fois trop petite pour la gauche, on s'était même réunis, narquois, pour guetter sa prestation dont on pourrait bien rire ensuite. Eh bien, on n'a pas dû trop rire, ce soir-là à Neuilly...)
Et Ségolène Royal est arrivée. Certains l'ont trouvée étrangement tendue, dans ses premiers mots. Ah oui ? aurait-elle dû paraître, comme le président dont elle a été conseillère à l'Élysée : énigmatique, austère, imperturbable ? C'est oublier que Mitterrand est devenu président à 65 ans, après une très longue carrière politique où il avait tout côtoyé.
C'est oublier qu'une femme de 53 ans, pour la première fois affrontait seule une foule aussi énorme, dans une situation où jamais AUCUNE FEMME ne s'était retrouvée avant elle dans notre pays. Dans un rôle que nulle d'entre nous n'aurait pu imaginer il y a seulement moins d'un an.
Et elle faisait face à cette foule - souriante mais consciente de la gravité de la situation, de sa responsabilité devant nous. Sûre d'elle au fond, on le sait maintenant : elle a tenu, sans difficulté car elle savait ce qu'elle venait nous dire ; depuis le premier instant elle sait ce qu'elle VEUT faire avec nous. Qui croirait maintenant à l'histoire de la potiche manipulée comme une belle image ? Déjà la victoire imposée à ses concurrents dans son parti, puis le rythme et la méthode de campagne en débats, nouveaux dans le monde politique : elle a tout réalisé comme elle l'avait prévu.
Restait donc cette épreuve imposée : parler à cette foule - amicale, mais foule - pour la convaincre que la victoire est possible, tous ensemble avec elle. La candidate a détaillé tous les thèmes qui lui tenaient à cœur. Comment la lâcher des yeux et des oreilles ? Et lorsque dans la foule, une vieille Fanchon s'est senti une surprenante envie de pleurer, alors qu'autour d'elle on applaudissait plutôt, elle a croisé le regard de son voisin inconnu : 35 ans, les yeux noyés tout pareil, cherchant son mouchoir sans honte car l'émotion était partagée. Pour les plus anciens militants il paraît que cela ressemble à 1936, à 1981, une vraie révolution à prévoir. La gauche, de vrai, enfin revenue.
C'était trop long tout ça, hein ? Mais comment dire autrement ? La Ségolène qu'on appelle par son prénom, car elle est si proche de nous, femme qui avance pour toutes les femmes, la voilà vraiment devenue Ségolène Royal, probable Présidente de la République : on lui serre la main, loin des bizoux de militants. On l'appelle par son nom, qui sera connu dans le monde entier. Elle incarnera à la fois la gauche et la France - bientôt.
Et voilà l'étrangeté de cette gauche dont elle est issue et qu'elle va mener à la victoire : son compagnon, dans la vie privée, aurait pu prétendre dignement à marcher pareillement vers la plus haute responsabilité. Et lui, il grandit encore dans cette dignité en acceptant le destin qu'elle a choisi. Il a voulu (ou accepté) la parité comme une forme de la démocratie - et le voilà qui doit renoncer au seul espoir d'avenir où la parité est impossible...
Fanchon aimerait bien être Victor Hugo pour dire ça plus court, et plus digne.
Mais c'est nouveau, bon sang ! pas facile...
Je ne sais pas comment j'aurais raconté 1936 : je n'étais pas née - mais il faut écouter les vieux qui le racontent.
Avons-nous mérité que ça revienne ? secouons-nous ! les plus faibles, les plus pauvres, ont besoin de cette victoire.
Dans 69 jours. Au boulot !
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