Bien sûr il faut analyser la politique, sinon objectivement, au moins rationnellement. Mais il est des moments où l'émotionnel entre en jeu, où l'on ne peut s'empêcher de réagir.
Ainsi ce soir où, en direct sur trois chaines, le "Président de tous les Français" tenait une conférence de presse commune avec le Président de la Commission européenne. Rappelons que tous les deux viennent du même horizon politique de droite ; il ne s'agit pas du fond des questions dont ils ont traité aujourd'hui. Juste la forme.
Comment auront réagi tous les Français qui ont entendu marteler pendant des semaines les mêmes affirmations et préceptes ? par exemple que les élèves et étudiants doivent se lever lorsque le professeur entre dans la classe - question de respect. Rien à dire, non plus qu'au refus du tutoiement entre enseignants et élèves. Admettons. Plus discutable, et discuté, de n'admettre sur le sol de la France que des aspirants à l'immigration parlant correctement notre langue.
Mais alors ?
Alors, le président de la République française apparait en direct pour une conférence de presse au côté du président de la Commission européenne, pour la première fois de son quinquennat.
Quelle impression peut-il produire sur les citoyens européens ? nous, citoyens français, sommes habitués à son style de campagne électorale ; mais nous attendons là, comme nos voisins, le représentant, élu pour 5 ans, de notre pays dans le monde. Et le voilà égal à celui que nous voyons depuis des mois, désespérément le même.
On entend toujours ce qui a été tellement martelé par le candidat, et souligné par les observateurs : "moi", "je", voilà ces mots répétés dans toutes les phrases. Comme si ce n'était pas "nous" qu'il représente, la France.
Ce qui frappe au côté d'un autre président dont la langue maternelle est l'espagnol : notre président parle une langue familière, relâchée, négligée. Les "ne" systématiquement disparus des phrases négatives. Pourtant, dans les échanges au sein de l'Union européenne, dont le français est une des langues officielles, nous nous plaignons de plus en plus de le voir abandonné au profit exclusif de l'anglais. M. José Manuel Barroso s'exprime en français, et l'on est fâché de constater qu'il le parle mieux que notre président !
La tendance à prolonger le rythme d'une campagne ne doit pas faire oublier un minimum de respect. Il ne serait pas mauvais que M. Sarkozy se contrôle, ne prenne pas la parole aussi longtemps, ne se disperse pas dans une gestuelle sans réserve : cela lui permettrait de soigner sa langue.
Il prendrait peut-être conscience aussi que le respect s'applique à ses interlocuteurs. Dans la campagne, il a exprimé tous les sentiments, de l'ironie à la narquoiserie, envers ses adversaires ; est-il bien raisonnable de continuer en face d'une journaliste ?
Heureusement elle a su lui répliquer, en rappelant que ce n'était pas à lui qu'elle avait posé sa question, mais au président Barroso : tout le monde avait été témoin de l'empressement excessif de Sarkozy à répondre, sauf lui-même !
Mais cela reflète aussi le comportement qu'on lui prête envers les médias : s'il est soupçonné de vouloir les contrôler en France, une journaliste d'un autre pays a prouvé qu'en démocratie européenne, la presse est libre et demande le respect...
Tous ces manquements, en si peu de minutes, tranchaient d'autant plus avec la courtoisie de Manuel Barroso : il a semblé indulgent, acceptant la familiarité de notre Président, son ami politique - sans pratiquer, lui, le tutoiement dans ce genre de circonstance. Une grande leçon, malheureusement.
Mais nous n'en avons pas fini, puisque toutes les rencontres du chef de l'État se traduisent aussi en embrassades et étreintes affectueuses. Ruptures avec les usages diplomatiques surannés ? point trop n'en faut !
Barroso prouve que le respect des autres s'accommode aussi bien de l'adaptation aux circonstances...
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