lundi 3 septembre 2007

7 ans de raison

L'exercice auquel se livre ici Fanchon est difficile ; et la tâche sera encore plus rude pour vous tous, visiteurs et visiteuses. C'est que ce petit blog va sortir de son rôle, et est chargé d'endosser une responsabilité écrasante.

Libération et Le Monde ont refusé de publier un texte. Oh, ce n'est pas nouveau ! le féminisme trouve rarement sa place dans les colonnes de la presse "sérieuse". Mais le plus souvent la signature l'emporte : ici, il s'agit d'une parlementaire honoraire, ancienne ministre, auteure de lois qui portent son nom, et à qui les femmes doivent beaucoup - même si certaines semblent avoir tout oublié. Elle a écrit ce texte avec celle qui, au sein du Parti socialiste, a le plus concrètement préparé - depuis 3 ans - la progression du nombre de députéeE socialistes en juin dernier. Bien sûr le progrès vers la parité a été soutenu par la conviction de nombreuses militantes du parti, mais aussi par des féministes au masculin, à commencer par le Premier secrétaire (dès La Rochelle il y a un an). Mais ces deux femmes-là ont autorité pour faire un bilan, pour écrire. Résultat ? rien. La presse fait un article de temps en temps, mais se moque bien des femmes en politique, sauf pour la frime. (Et en plus, elle raille la frime..) Voilà donc que Fanchon doit faire entrer dans cette malheureuse petite colonne un texte qui ne peut être résumé, raccourci, tronçonné. Mais Yvette Roudy et Geneviève Couraud doivent être lues. À vous d'en juger. Et du coup, bien sûr, ceci est une publication en exclusivité - comme on dit chez les grands... Bonne lecture.
NB. Pour recevoir cet article en pdf, le demander en "commentaires".

La loi sur la parité a l’âge de raison.

Le 6 juin 2007, à quelques jours du scrutin législatif des 10 et 17 juin, la loi dite « sur la parité » a eu 7 ans, l’âge de raison. Et cette raison-là nous incite à regarder le chemin parcouru, et à considérer ce qu’il reste à couvrir.
Où en sommes-nous aujourd’hui, au moment où se met en place pour la 13ème législature de la 5ème République, la nouvelle Assemblée Nationale au sein de laquelle siègeront désormais aux côtés de 470 hommes, 107 femmes ?

Sur 139 pays classés dans le monde par l’IPU , la France qui était 86ème (avec 12,2% de femmes), «remonte» à la 58ème place, avec 18,5% de femmes. La moyenne mondiale étant de 17,3%, nous passons – ouf !- du bon côté de la barre. Ce n’est pourtant pas glorieux, d’autant que du côté de l’Europe nous sommes encore en deçà de la moyenne (19,8%) !
Notons que les femmes députées de la majorité ( UMP et Nouveau Centre) ne représentent que 13 % du groupe majoritaire, quand l’Assemblée Nationale, tous partis confondus, comporte à présent 18,5% de députées. Le groupe P.S. et apparentés affiche 27,4% de femmes.

Cette avancée, si modeste soit-elle, ne s’est pas faite toute seule, même si la loi a été indéniablement un facteur favorable. Il a fallu beaucoup de travail et de détermination notamment de la part des militantes socialistes.

Naturellement, il ne nous a pas échappé que l’UMP avait gagné les élections, et nous ne boudons pas le geste du Président de la République élu le 6 mai, qui a veillé à ce que son gouvernement soit paritaire… du moins durant son 1er mois d’existence, car aujourd’hui, la proportion de 11 femmes sur 33 ministres et secrétaires d’État lui fait perdre cette qualité.
Et nous nous inquiétons de l’étrange oubli de tout portefeuille concernant les droits des femmes. Tout serait-il quasiment réglé pour les femmes, puisque notre Ministre du travail, chargé - au passage et par raccroc – de l’égalité professionnelle, s’engage ferme à la réaliser en 2 ans ?
Qu’il ne néglige pas de faire homologuer sa recette, elle intéressera sûrement les pays les plus avancés sur le sujet, tels la Finlande, où l’on a une conscience un peu plus aiguë de la difficulté de la tâche !

Depuis plus de 10 ans le Parti Socialiste, quant à lui, sous la poussée de quelques féministes, s’est engagé lentement mais sûrement dans une démarche paritaire qui s’est exprimée par des objectifs quantitatifs, lors de la préparation des scrutins législatifs successifs (objectifs de 30% de femmes candidates en 1997, 40% en 2002, 50% en 2007).
Rappelons que cette progression avait été précédée d’un certain nombre d’initiatives.

- Ce sont tout d’abord essentiellement des femmes socialistes militantes féministes, notamment Françoise Gaspard et Yvette Roudy, qui, s’étant emparées des propositions de la Charte d’Athènes du 3 novembre 1992 appelant les pays membres de l’Union Européenne à «procéder à des modifications profondes de la structure des processus de décision» afin d’assurer la parité, en ont défendu la nécessité.

- En 1996 ensuite, 10 femmes Anciennes Ministres de droite et de gauche,
avançaient 7 propositions qui serviraient de base à la modification constitutionnelle de juillet 1999 et à la loi dite «sur la parité» du 6 juin 2000, dues à Lionel Jospin, Premier Ministre.

En 2002, année néfaste pour les socialistes, le Parti Socialiste n’a présenté que 36,1 % de femmes candidates au lieu de 50%, comme le voulait la loi, ce qui lui a valu une amende importante, quoique moins élevée que celle de la droite. Le pourcentage de femmes au sein du groupe socialiste passait alors de 15,7 % en 1997, à 16,1% avec 23 députées sur 142.
Une avancée, certes, mais sans effet quant à la représentation à l’Assemblée Nationale.

Lors du Congrès du Mans en novembre 2005, François Hollande fixe comme objectif pour 2007 de présenter 50% de femmes aux élections législatives - ce qu’exige la loi - et de doubler leur représentation au sein du groupe socialiste afin d’atteindre les 35% de femmes élues.
Pour la 1ère fois dans l’histoire de notre parti, les femmes se sont emparées du dossier électoral et ont préparé de leur côté ce scrutin, travaillant en réseau depuis l’été 2004 sur la carte électorale, les 577 circonscriptions de France et des TOM, sur l’historique des circonscriptions, sur les forces en présence, les modifications éventuelles du tissu social, les indications données par les scrutins intermédiaires, et le repérage de candidates éventuelles.
Pour la 1ère fois, elles ont participé au nom de la parité à la commission électorale interne au Parti Socialiste pilotée par Bruno Le Roux, de décembre 2005 à mai 2007.

A cet instant, considérant la contrainte imposée par la loi à chaque parti, on peut dire qu’avec un peu plus de 46% de femmes candidates, le P.S dépasse largement l’UMP qui n’a pas atteint les 30% de candidates.
En ce qui concerne le résultat, avec 48 députées (contre 23 en 2002) sur 186 élus socialistes, le P.S. double le nombre de femmes élues et augmente notablement son pourcentage en passant de 16,1 % à 25,8 % de femmes socialistes. Ce pourcentage s’élève à 27,4% si l’on inclut les apparentés ( 56 femmes sur 204 élus du groupe Socialiste, Radical et Citoyen).
Ce n’est pas encore la parité, il s’en faut de beaucoup, mais c’est une avancée significative et l’on approche du seuil des 30% correspondant aux recommandations de l’Union Européenne .

Plusieurs remarques concernant ce dernier scrutin législatif s’imposent :
➢ Si l’on analyse les facteurs qui ont favorisé la démarche paritaire des femmes socialistes dans cette dernière période ( 2004-2007), trois nous paraissent primordiaux :
- La détermination des militantes socialistes, le fait qu’elles se soient approprié la « mécanique » électorale, leur réseau féministe de terrain,
- La volonté paritaire et féministe du Premier Secrétaire,
- Et… Internet, outil précieux qui a permis aux militantes d’être en contact, de travailler en réseau, de partager les informations en temps réel, quelles que soient les distances.

Et puis, il y a eu cette autre dimension que Ségolène Royal a imposée jour après jour, dans la campagne interne au Parti Socialiste et tout au long de la campagne présidentielle et qui s'est installée comme une évidence dont toutes les femmes ont bénéficié.

➢ Si l’on examine les résultats des scrutins législatifs et en particulier la comparaison entre les résultats du 1er et du second tour, on voit que les candidates amplifient très notablement leur score du 1er tour, alors qu’on s’attendait à ce qu’elles s’effondrent au second tour.

Il apparaît aujourd’hui difficile de soutenir qu’une candidate fait perdre son parti. Nous sommes, pour notre part, convaincues que c’est le contraire, surtout quand on lui a donné les moyens de gagner ; en premier lieu les moyens en temps, c’est-à-dire lorsque la désignation de la candidate a été effectuée assez tôt pour qu’elle puisse se préparer.

Au terme de ces 7 ans d’expérience de la loi, terme qui n’est qu’une étape de la «longue marche vers la parité», reconnaissons que nous avons péniblement mais sûrement innové, et montré un exemple dont nos adversaires politiques devraient s’inspirer, afin que la France trouve la place qui doit être la sienne dans le classement des nations.

D’autres étapes sont à préparer.
Tant que nous n’aurons pas 50% de femmes élues à l’Assemblée Nationale,
Tant que les femmes députées n’y exerceront pas les responsabilités à égalité avec leurs collègues masculins, nous n’aurons pas respecté la démocratie.

Cela doit être notre objectif pour l’avenir. Et l’avenir commence aujourd’hui.

août 2007


Yvette ROUDY, Ancienne Ministre, et Geneviève COURAUD,
Parlementaire Honoraire. Déléguée nationale (PS) à la parité,

Fanchon avait créé ce blog pour rapporter tout simplement, au quotidien, ce qu'est la parité, et quelles démarches ont construit son histoire... à terminer. Yvette et Geneviève, dans ce bilan et ces perspectives, consacrent cette volonté de ne pas rester dans la réflexion intellectuelle et la recherche : la politique se fait chaque jour aussi. Réflexion et action concrète vont de pair - et les médias semblent l'ignorer.

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