vendredi 6 mai 2011

Monsieur le ou Madame la Présidente idéale

Cliché ancestral, ou tradition à faire entrer au patrimoine immatériel de l'humanité ?
Depuis 1848, on a toujours dit : "Monsieur le Président de la République" aux 22 hommes élus à cette éminente fonction.
Sur les 22, les 15 premiers n'ont été désignés que par des électeurs (députés et sénateurs), puisque les femmes étaient interdites de vote sous les IIe et IIIe républiques.

À partir de la IVe République, en 1946, lorsque les deux Chambres élisaient le Président, elles étaient massivement masculines : le droit de vote "octroyé" aux femmes ne les a pas rendues égales en nombre comme députées et sénatrices !

Qu'on en juge : pour l'élection de Vincent Auriol, elles étaient 42 députées sur 619 (5,8 %), et 21 sénatrices sur 314 (6,69 %) ; en 1953 pour élire René Coty, 22 députées sur 627 (3,5 %), et 9 sénatrices sur 317 (2,8 %).
Passons sur les fait qu'elles sont toujours traitées de "sénateurs" par la dite Haute-Assemblée (dont les membres vénérables doivent avoir besoin de lunettes, ou de rafraîchir leur vocabulaire). 

En 1958 le niveau de femmes parlementaires est arrivé à un minimum : De Gaulle est élu 1er président de la Ve République par 81 290 "grands électeurs", où il est probable que les électrices étaient encore rares : elles auraient dû être parlementaires, conseillères générales et déléguées de conseils municipaux. À l'époque elles étaient 8 députées (sur 578 ! niveau le plus bas de l'Histoire), 6 sénatrices (sur 314 !) = moins de 2 % ; peut-on imaginer - statistiques rares ! - qu'il y avait davantage d'élues locales ?

C'est donc un profond bouleversement lorsque De Gaulle se fait réélire au suffrage universel en 1965 : sur les 23 703 434 votants, on sait qu'il y a à peu près la moitié de femmes. Et tous ses successeurs ont à ce jour le même collège électoral (une autre question est de savoir si le suffrage universel est réellement souhaitable pour cette désignation), encore le même en 2012.

C'est ainsi que nous voyons publier un énième sondage, sur le profil "idéal" du prochain chef de l'État. Parmi d'autres réponses : 
Pour près d’un Français sur quatre (22%), le Président de la République idéal est un homme, alors que moins d’un Français sur dix (9%) estime qu’il s’agirait plutôt d’une femme. Les deux tiers des Français (67%) déclarent néanmoins que le genre du président n’a pas d’importance pour eux.

Pour voir bien sûr le verre à moitié plein, aux deux-tiers même, c'est la dernière réponse qui
fait plaisir : il est assez normal que le critère du sexe des candidats ne soit pas primordial.
Mais si l'on tient compte de la profonde inégalité dans la démocratie française, chacun-e devrait s'engager dans une volonté de changement.

C'est par la parité, imposée dans la Constitution en 1999, que l'on doit dépasser la représentation politique actuelle, trop décalée par rapport à la société française. Et une représentation équilibrée femmes-hommes dans le pouvoir de décision est la condition indispensable pour que soit respectée l'égalité dans tous les domaines : responsabilités professionnelles, salaires justes, conditions de vie, etc.

Toutes les vicissitudes de la parité depuis 10 ans - et ses résultats aujourd'hui - prouvent bien qu'elle ne va pas de soi, et qu'il y faut une volonté politique très forte.
D'où l'idée que cette volonté forte sera plus évidemment portée par une femme progressiste, et pour tout dire elle-même féministe.

Serait-ce anormal que les femmes électrices utilisent leur droit de vote pour enfin gagner leur égalité démocratique et sociale ?
Serait-ce anormal, après plus d'un siècle et demi, de dire "Madame la Présidente de la République" ?


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2 commentaires:

  1. Dans ma région des les années 60, il y avait une femme députée gaulliste, secrétaire d'état de De Gaulle à la famille ou aux affaires sociales, une des premières femmes ministre en France : elle s'appelait Marie-Madeleine Dienesch, elle devait être bigote et assez conservatrice, mais c'était une femme ! Et pionnière en plus ! A chaque élection, ma famille votait des deux mains pour elle, sans se poser de questions. Elle était apparemment irréfutable. Ça a dû me laisser des traces.

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  2. Si je comprends bien, il y a bien une candidate qui correspond au profil :
    http://motione.over-blog.com/article-le-portrait-harris-interactive-ouvre-la-voie-royal-73335354.html

    lisbeth

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