mardi 6 septembre 2011

aux moins de vingt ans qui ne peuvent connaître...

Que peut comprendre un jeune homme, une jeune femme - non pas un-e ado - de 30 voire 40 ans, à l'affaire Chirac ? Comment répondraient-ils à un micro-trottoir, censé nous éclairer sur l'opinion publique, à une question " objective" sur la présence utile de Jacques Chirac au tribunal, qui devait le juger à partir d'aujourd'hui ?

La situation actuelle est inédite, et bientôt plus personne n'en parlera plus, faute de savoir. Car ceux qui pourraient (qui devraient) se rappeler vont disparaître peu à peu, comme disait Alphonse Allais il y a un peu plus d'un siècle : "On a beau dire et beau faire, plus ça ira et moins on rencontrera de gens ayant connu Napoléon"... Même ceux qui auront connu une partie de la longue carrière politique de l'ancien président de la République auront tout ignoré de ses débuts et des moyens qu'il a employés/déployés pour y parvenir.

Comment savoir, pour comprendre le mauvais sort fait à ce vieil homme taquin, qu'on a vu bonasse à une terrasse de café (chic) se laissant photographier par les vacanciers ? qu'on a entendu blaguer avec un supposé adversaire de gauche, collègue corrèzien de longue date de sa femme ? qu'on a vu flageolant devant "son" immeuble ou un restaurant (cher) à Paris? qu'on "vote" en 2010 homme politique préféré des Français - alors qu'ils ont défilé par millions dans la rue contre l'action de ses gouvernements pendant un quart de siècle ?

En réalité ce grand corps malade d'anasognosie cache comme un symbole tout ce qui a creusé le fossé entre les citoyens et leurs politiques. L'ambiguïté des pratiques politiques, les réseaux douteux, le fric en sont les principales caractéristiques, qui s'ajoutent à l'inégalité sociale profondément accentuée dans ce pays.

Membre éminent de la "classe politique", Chirac est réputé de droite - mais on a toujours rappelé sa sympathie pour une sorte d'humanisme de gauche : par ses origines "modestes" qui contribuent à la légende dorée du gaulliste il serait proche du peuple, surtout dans le monde agricole et chez les vaches. Cela le range dans la catégorie qu'on appelait rad-soc sous le IIIe République. Il a donc eu tout de même avec lui la droite, et... l'argent de la droite.

Réseaux et fric dès sa jeunesse sur les genoux de Marcel Dassault, il a eu la chance de rencontrer les bonnes personnes : c'est l'industriel qui l'a implanté en Corrèze en lui affectant une nouvelle gazette locale et un jeune journaliste - déjà de la com ! -, qui en est revenu plus tard. Ensuite Pompidou qui l'a installé tout jeune au sommet de l'État, près du tiroir-caisse à phynances électorales.
Argent public pour la carrière, argent public pour la vie privée : malgré des salaires et indemnités cumulées que tout le monde a désormais renoncé à énumérer, aucun frais de logement (voire de bouche, gourmande) versé pendant plus de 40 ans passés dans les palais de la République ! (Le dernier appart étant aux frais d'un milliardaire ami.) Et maintenant des retraites... Glissons, par respect pour tous les mal-logés et sans logis de la capitale.

Grandes manœuvres : ses deux prédécesseurs lui doivent en partie leur accès à l'Élysée (et le dernier paraît-il le lui a bien rendu) ! et il nous doit le sien, nous qui avons voter pour lui... (même si les 82 % le disqualifiaient au fond).
Mais tous les citoyens ont été pris dans l'embrouille, alors que Jospin voulait une campagne intellectuelle, sans dénoncer son concurrent réputé "super-menteur", "super-tricheur"..

Voilà un "grand" destin qui s'est déroulé sous nos yeux, souvent impuissants : autour d'1m90 comme un calibre à présidents (De Gaulle, Giscard, Clinton, ...Villepin). Et le Président actuel a vu tout ça de près, même par en-dessous : bonne école !

Pas question de développer ici une biographie de Chirac : il y en a eu déjà beaucoup pour décrire sa fringale de pouvoir. En 1977, la conquête de Paris était déjà le fruit d'une réforme menée avec Giscard - qui s'est fait doubler dans la manœuvre... Et c'est de ce camp de base que l'expédition est repartie vers le sommet élyséen, dont les détails rempliront des pages dans les manuels d'Histoire, peu honorables pour l'honneur d'un parti politique.  Cet homme aura commis tous les exploits, puisqu'on l'a même vu présider, élu à Paris et dans le canton de Meymac, - cas unique - deux conseils généraux simultanément.
Reste aujourd'hui une question : pourquoi ne devrait-on pas poursuivre en justice un Président, sous le prétexte qu'il est/a été président ? Alors que ce sont justement les moyens d'y parvenir qui sont en cause.

Il y a déjà 15 ans, Le Monde remplissait ses pages de réseaux, de chiffres démontrant la réalité des dizaines de millions détournées depuis une bonne décennie, dans le but de gagner la Présidence suprême : c'est le contribuable parisien qui a payé de 1977 à 1995. Bien sûr quand la presse, tenace comme Valdiguié au Parisien, par exemple, a apporté assez de preuves, on parle déjà de prescription : il y a si longtemps, tout ça ! Puis - après avoir laissé condamner ses petits compagnons - tout a été fait pour conduire à l'amnésie-amnistie ; il n'y a pas que Berlusconi qui a aménagé la Loi pour se blanchir.

Comme si, voyant passer un jeune en survêt' au volant d'une voiture de grand luxe, un policier s'abstenait (pour une fois) de contrôler ses papiers, sous prétexte qu'on ne peut soupçonner un conducteur de Rolls...
Alors, informons-nous avant de porter un avis - et justement ce devrait être le travail (rapide) de la Justice.

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