Un courrier de première importance a été envoyé par le Président de la République à un de ses ministres, le 1er juin. Certains de ses collègues en avaient déjà reçu avant lui, mais la Lettre de mission adressée à M. Xavier Bertrand lui est arrivée alors que le gouvernement partait en vacances : ainsi peut-on penser que dans tous les lieux de villégiature estivale du pouvoir, les destinataires de ces lettres se pénètrent de la lecture de leurs missions.
Longue lecture de catalogue, vaste besogne en perspective. On y trouve les grandes orientations que les deux chefs de l'exécutif se sont données, qui sont les objectifs des cinq années qui viennent. Et au domaine "du Travail, des relations sociales et de la solidarité", déjà bien étendu, le détail donne le vertige.
Ainsi, s'agissant seulement des droits des femmes, trouve-t-on par exemple :
- (comme pour les hommes) "la liberté de travailler plus pour gagner plus, ou même seulement s'épanouir davantage". Cela méritera méditation et nouveaux commentaires.
- "une attention particulière à la situation professionnelle des femmes, qui sont les premières victimes du travail précaire, du sous-emploi et des faibles rémunérations" : au moins la campagne de Ségolène Royal n'aura pas été inutile...
- "2009, date à laquelle nous souhaitons que l'égalité salariale homme-femme soit une fois pour toutes atteinte".
- puisque " la campagne présidentielle a été l'occasion de rappeler l'importance de la famille", "que les parents soient en mesure de concilier plus facilement leurs vies professionnelle et familiale" : objectif louable.
- en pensant à la femme victime, "vous poursuivrez également les efforts entrepris ces dernières années contre les violences faites aux femmes", de même que compassion et solidarité vont aux personnes en situation de handicap, aux très âgés, aux mères et aux enfants. C'est beau.
Mais les femmes citoyennes dans tout ça ? On a dû lire trop vite ?... Reprenons.
Voilà ! "Il s'agit ensuite de prendre dans tous les domaines (éducation, enseignement supérieur, formation professionnelle, accès et promotion dans la fonction publique, parité, vie quotidienne...) les dispositions permettant aux femmes de mener de front les multiples dimensions de leur vie et d'avoir les mêmes chances d'épanouissement professionnel que les hommes." C'est bien caché, il fallait s'appliquer pour trouver le mot, mais il y est.
On voit bien la pensée profonde : assister les femmes, comme si elles ne menaient pas déjà tout cela "de front" ! Si elles ont des problèmes dans l'éducation et l'enseignement supérieur (où elles sont déjà les plus nombreuses), c'est que le fameux "plafond de verre" ne leur permet pas d'accéder aux promotions et aux responsabilités.
De même dans tous les domaines de décision : pas de détail. Le mot "parité" se glisse là, parce qu'il fallait bien le mettre, mais on sent bien tout l'enthousiasme qui l'a fait inclure dans la phrase, pour qu'on ne le remarque pas trop non plus.
Il faut se rappeler ce que signifiait la parité : un moyen d'obliger à abandonner des comportements nuisibles aux idéaux de la République, Liberté, égalité, fraternité. Un moyen d'arriver à une vraie démocratie, à l'égalité réelle, que réclament les citoyens, mais que la classe politique refuse, engoncée dans ses traditions patriarcales et machistes.
Le monde politique français a refusé les femmes pendant un siècle avant de leur "donner" le droit de vote ; mais il a fallu encore cinquante ans pour obliger à la parité. Si N. Sarkozy a amené son parti à la victoire, c'est encore en sacrifiant ses femmes, militantes aussi valeureuses que les hommes de l'UMP.
Quand il se satisfait d'une Assemblée nationale composée de 81,46 % d'hommes députés, pourquoi donnerait-il plus de responsabilités à des femmes ? Elles se mêleraient de voter des lois, de contrôler les avancées d'égalité que la Président prétend vouloir dans la société ? C'est donc simple, on parle le moins possible de parité, vilain gros mot.
Bien mieux, on la confie à Xavier Bertrand, dont c'est l'emploi le plus naturel... Il faudra donc soutenir très fort la Secrétaire d'État Valérie Létard.
C'est elle qui aura la plus lourde mission ! Souhaitons-lui un bon été : elle aura besoin de toutes ses forces à la rentrée.
PS. en bas à droite du blog, l'actualité "parité" est très présente. À part celle de l'euro et du dollar, elle est évoquée à la session de la Commission CEDAW de l'ONU : on a ainsi des échos internationaux, avec les rapports de nombreux pays du monde, très intéressants. Pour la France ce sera début 2008.
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