Est-ce bien le trente-neuvième 1er mai qui suit "mai 68" ? quelle importance de compter pour ce genre d'anniversaire ? Cette période est riche de symbole, mais appartient déjà au passé, même pour ceux qui l'ont vécue. Le texte d'Anne-Laure, ci-dessous, nous fait écouter la diatribe de dimanche non plus comme une bizarrerie, mais comme une alerte. Si une page est tournée, pourquoi Sarkozy y revient-il avec tant de violence ?
Ce Premier mai 2007 doit donc être un rappel de mémoire : un rappel de tout ce que nous devons à ce mouvement du peuple. Si mai 68 n'a pas été en lui-même féministe, le nouveau souffle qu'il a apporté à la société française a permis aux femmes de faire entendre leurs voix.
Ségolène Royal a bien répondu hier à Nicolas Sarkozy, sur France-Inter. Et les femmes qui vont se rassembler aujourd'hui n'avaient pas prévu qu'il faudrait faire ce rappel : aussi bien les plus jeunes qui n'étaient pas nées en 68, que les plus âgées qui ont connu la vie d'avant. Et surtout qui ont dû lutter pour changer la vie.
Quelques dates :
1966 - Les femmes peuvent travailler sans le consentement des maris.
1967 - Loi Neuwirth autorise la contraception en France.
1970 - Disparition de la notion de "chef de famille".
1971 - Manifeste des 343 pour l'avortement libre et gratuit.
1972 - Anne Chopinet, major de Polytechnique dès la première année où les femmes sont autorisées à se présenter au concours.
1974 - Création du ministère de Française Giroud, secrétaire d'Etat "chargée de la condition féminine". Loi sur l'interruption volontaire de grossesse (valable cinq ans).
1975 - Première loi sanctionnant la discrimination sexuelle. Loi sur le divorce.
1981 - Création d'un véritable ministère des droits de la femme, Yvette Roudy. Yvette Chassagne, première femme Préfet.
1982 - Première célébration, à l'initiative de François Mitterrand, de la journée internationale des femmes. Remboursement de I'IVG par la sécurité sociale.
1983 - Loi Roudy sur l'égalité professionnelle. Suppression de la notion de "chef de famille" en droit fiscal.
1984 - Loi contre les violences sexuelles. Egalité des époux pour l'éducation des enfants et la gestion des biens.
1990 - Autorisation du RU 486.
1991 - Première femme Premier ministre en France, Edith Cresson.
1992 - Loi Neiertz sur la pénalisation du harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Première femme au Conseil constitutionnel (Noëlle Lenoir, nommée par Henri Emmanuelli).
1993 - Dépénalisation de l'auto-avortement. Loi Neiertz créant le délit d'entrave à I'IVG. Autorité parentale conjointe quelle que soit la situation des parents.
À lire cette liste, les jeunes sont généralement stupéfait que les femmes aient écquis ces droits dans une période si récente. ET donc après 1968, grâce à 1968.
Exception : la pilule autorisée par De Gaulle, grâce à l'obstination d'un gaulliste ouvert : Lucien Neuwirth, trop oublié pour cette grande conquête, qui a représenté un grand tournant dans le 20e siècle, pour la vie des femmes (mais aussi des hommes). Si toute la droite avait été comme M. Neuwirth, il n'y aurait peut-être pas eu besoin d'un mai 68.
Car tous les droits des femmes, enfin votés par la suite l'ont été uniquement grâce à la gauche.
L'IVG, en 1974, a été une grande victoire de la courageuse Simone Veil devant le Parlement, face à la haine de la droite. Mais le vote n'a été possible qu'avec toutes les voix de la gauche.
(Et la loi n'a été votée que provisoirement : renouvelée en 1979 après de grandes manifestations dans la rue, mais cette fois définitivement quand même)
Comment les femmes d'aujourd'hui pourraient-elles oublier, comme madame Veil semble oublier ?
Il a fallu même modifier la Constitution en 1999, pour obtenir le principe de parité en politique, toujours grâce à la gauche, et toujours sous les quolibets de la majorité de droite du Sénat. Depuis 2002, le gouvernement auquel appartenait un ministre d'État, n'a rien fait progresser. Et lui-même, aux législatives de juin prochain, a refusé d'appliquer la parité pour les candidatures de l'UMP.
Qui donc pouvait imaginer que les femmes, alors même que seule Ségolène veut l'égalité réelle, puissent voter plutôt pour Sarkozy ? Le 22 avril, leurs votes sont stupéfiants : les "60 ans et plus", c'est-à-dire celles qui peuvent comparer, ont voté à 45 % pour le candidat qui veut revenir à avant mai 68 ! C'est la génération des 35-59 (actives) qui vote un peu plus pour la gauche féministe (PS + PC + Verts : 30 + 3 + 1), pour le centre (17 %) que pour Sarkozy (29 %) : c'est sans doute qu'elles sont assez plongées dans la vie active pour ne pas tout oublier ?
Il faut de la mémoire pour refuser un discours typiquement machiste d'appel aux masses, rester dans le domaine de l'humanisme universel - même quand il n'a pas toujours été généreux pour les femmes. Même quand un jeune PS vient dire à Fanchon que le féminisme est démodé...
C'est avec Ségolène Royal qu'est l'espoir véritable d'égalité réelle.
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